jeudi 1 décembre 2011

Pierre-Alain Muet : « Les questions d'actualité sont toujours vives, mais les insultes sont rares »

Retour sur un incident. Le mardi 8 novembre, lors de la séance des questions au gouvernement, Pierre-Alain Muet, député PS du Rhône, interpelle la ministre du Budget, Valérie Pécresse sur le plan d'austérité annoncé la veille par François Fillon. Dans sa réponse, François Baroin, le ministre de l'Economie, accuse la gauche d'être «entrée par effraction» au gouvernement en 1997. Bronca dans les rangs socialistes. Suspension de séance. Pierre-Alain Muet s'explique sur ce curieux jeu de rôle opposant chaque semaine (1), députés et ministres. Interview.

Dans quel contexte s'est déroulé cet incident ?
Nous étions depuis la fin du mois d'octobre en plein débat budgétaire. Nous avons débattu jour et nuit et je pense que François Baroin était très fatigué. Il est très rare qu'un ministre emploie un terme aussi choquant à l'Assemblée, c'est un véritable dérapage. Les questions d'actualité sont toujours vives, mais les insultes sont rares. Ma question était destinée à Valérie Pécresse, mais c'est le ministre de l'économie qui a pris la parole parce qu'il a l'habitude de débattre avec moi. Il s'est emporté, suite à mon intervention critique de la politique de rigueur peu courageuse portée par François Fillon.

La bronca qui s'en est suivie sur les bancs socialistes a entraîné une suspension de séance. Le PS a-t-il eu raison de la provoquer ?
Oui, car aucun député ne siège à l'Assemblée par effraction mais par la volonté des citoyens. Accuser la gauche d'être entrée de la sorte au gouvernement en 1997 est profondément choquant. L'explosion de mes collègues socialistes a été immédiate et tout-à-fait compréhensible. L’atmosphère était déjà très tendue puisqu’après chaque phrase de mon intervention, la gauche applaudissait et l'UMP s'emportait, mais dès lors que François Baroin a prononcé ces termes inacceptables, les députés socialistes ont décidé de quitter l'hémicycle.
De telles guéguerres comme on le voit souvent à l'Assemblée ne décrédibilisent-elles pas la politique aux yeux des Français ?
Dans tous les pays démocratiques les questions d’actualité au gouvernement sont toujours très animées. Mais les questions d'actualité ne reflètent pas la diversité du débat parlementaire. Les débats sur les projets de Loi sont la plupart du temps l’occasion d’échanges approfondis et beaucoup plus sereins.

Vous prenez fréquemment la parole à l'Assemblée, est-ce un exercice que vous affectionnez ?
Clairement, oui ! Chaque fois qu'il faut répondre en matière économique à un ministre au nom du groupe socialiste, on fait appel à moi. J'en suis à près de 2000 interventions toutes prises de parole confondues. En général, Jean-Marc Ayrault (président du PS à l'Assemblée NDLR) ou un autre député pose la première question au gouvernement, un ministre répond et ensuite j'interviens. En résumé, je m'ajuste au débat. L'exercice est très spécial. Nous avons un temps limité pour parler, pas plus de deux minutes, il nous faut donc être très incisifs et déterminés en employant des phrases courtes et percutantes. Il ne faut pas trop lire ses notes et faire avec les applaudissements ou les huées. C'est une ambiance forte qui me motive, j'aime vraiment ça.

On dit que les ministres ont connaissance à l'avance des questions posées par les députés. Le débat n'est-il alors pas un peu faussé ?
Non, je ne crois pas. Il est vrai que les ministres connaissent les questions des députés de leur majorité et parfois les sollicitent. Ils ont l'habitude également de téléphoner en amont à l'opposition pour connaître le sujet des questions. En ce qui me concerne, le gouvernement est tellement habitué à ce que je j’ajuste ma question au débat en cours sur l’actualité économique que maintenant je ne suis plus contacté. Par contre, ce qui peut inquiéter un ministre, c'est de devoir répondre à à une question d’un député très pointue sur un sujet très local.
Vous êtes à nouveau candidat lors des prochaines législatives et prônez le non-cumul des mandats. Si François Hollande est élu à la présidence de la République en 2012 et vous propose une responsabilité ministérielle, seriez-vous prêt à laisser de côté votre mandat de député ?
On ne laisse pas le mandat de coté, car c’est une autre façon de l’exercer, puisqu’il est assez naturel que les ministres soient choisis parmi les parlementaires. En outre un ministre qui quitte ses fonctions redevient parlementaire. Et si passer au banc du gouvernement change la fonction nationale du député, cela ne change pas sa relation avec sa circonscription. Car le mandat de député est double, c’est un mandat national et en même temps une fonction locale qui nous rapproche des citoyens. On porte des idées à l'Assemblée, mais on garde les pieds sur terre grâce au contact permanent avec la circonscription. Mais la question est prématurée, et ma priorité c’est de contribuer à faire gagner François Hollande, notamment en travaillant dans le pôle de Michel Sapin sur le programme de notre candidat.

(1) L’Assemblée consacre deux séances par semaine à ces questions, le mardi et le mercredi après-midi, de 15 heures à 16 heures. Avant chaque séance et au plus tard à 14 heures, les groupes font parvenir à la Présidence le nom du ou des auteurs de leurs questions et des ministres auxquels ces questions sont posées. Le thème des questions n’a pas à être communiqué.
* Cette interview est également disponible sur le site de LibéLyon
Ambiance des grands jours durant la séance de questions au gouvernement (DR)

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